Le carnet n°7, le palimpseste, n’avait ni commencement ni fin : ses textes variaient en fonction du climat, de l’histoire et du besoin. Il apparaissait et disparaissait. Se remplissait et se vidait, s’illuminait et se ternissait. Il avait attendu plus de vingt ans dans un grenier que son prochain lecteur se décidât à l’écrire.
Perce-neige prit le carnet, le posa sur son bureau, un petit coin de table complètement englouti par un écran géant, un clavier ergonomique et autres périphériques. Elle savait exactement ce qu’elle devait faire. Elle sourit. Elle ouvrit le carnet, certaine, inspirée, résolue. Et immédiatement bascula dans un autre univers, une autre galaxie.
A chaque page, elle créait une étoile. A chaque texte, un croisement. A chaque mot, un passage. Elle construisait sous ses doigts un territoire, une spatialité, un récit.
Elle façonnait des perles transparentes où la musique des verbes retrouvait celles de la matière pour inscrire des nombres dans le cœur de sa conscience.
voix II
Où était-elle, Loula ? Où partit le Capitaine ?
Dans un vortex, un ouragan, un processus, une insertion. Elle était ce tunnel même qui creuse les espaces. Elle n’était plus dans aucun lieu mais dans la mécanique du mouvement. Elle forait plus loin que le réel, plus loin que la fiction, plus loin que les chiffres. Elle arpentait ces vides suspendus qui rejoignent tous les lointains. Elle les tendaient, elle les filaient. Elle voguait aspirée par ses chants de gravitation. Elle était devenu capitaine.
voix I
Rencontra-t-elle des voyageurs ?
Elle était le voyage. Pas la destination. Aucune escale. Seule la navigation.
voix II
Mais ses ennemis, parle-nous de ses ennemis !
voix I
Et ses batailles, raconte-nous ses batailles !
D’une autre geste vous l’entendrez. Je suis Loula, la décharnée. Mes airs à moi sont des cités, des petits objets, des ravagés. Et quand le Capitaine je chante, ce n’est pas pour la chanter.
En ce qui me concerne, j’ai dit ce que j’avais à dire.
Type de document : chants des griots
Auteur fictif : Loula-Ludivine
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Le Chœur appartient au récit et non pas aux 3 Espaces. C’est depuis le récit qu’ils ont accès aux personnages. Le Chœur est peut-être constitué des voix vivantes des Mémoires Absolues
Voix I & Voix II : deux femmes qui parlent entre elles des personnages principaux, de leurs états d’être, de leurs faits annexes. Il leur arrive de s’adresser directement aux personnages, en particulier à Loula et au Capitaine.
Ces deux Voix sont empruntées (remixées) à India Song où Marguerite Duras développe le principe des voix externes au récit.
Le Coryphée : il dirige le chœur et fait des monologues
Le Chœur : polyphonie de voix qui racontent les personnages
Le Petit Chœur : chœur d’enfant, ensemble de voix.