J’ai grandi dans la ville. Je n’aimais pas la campagne. Je craignais son ennui, son silence. Comme si les arbres allaient m’éloigner des bibliothèques et de la vie.
Mais j’ai entendu tes vocables issus de la terre, Neruda élémentaire. Etrange mélange volcanique de pluie, d’océan, de désert et de glace et j’ai pleuré. J’ai commencé à languir de ces montagnes lointaines qui ne m’appartenaient pas. Je me suis réapproprié la langue de mes ancêtres andalous qui n’avaient pas eu le droit de naviguer.
Tu m’as appris que les mots silice, limon, mélèze, caïman, nitrate, anaconda, toucan, fer, tronc, souche, maïs, cuivre, soufre, céréales , jungle, feldspath, insectes étaient des poèmes et que les adjectifs équinoxial, forestier, minéral, métallique, souterrain, germinal, caudal, pédiculé étaient des intonations.
J’ai parcouru alors, de mes pieds nus, les sentiers andins, les versants ensablés, les lagunes vertes et les plaines fangeuses pour arriver sans détour là où le verbe jaillit et meurt.
A Pablo Neruda
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Tu aimes les océans et les mers.
Oceano-mare.
Moi j'oublie qu'ils existent.
Né en mars, tu es un enfant de l'automne. Tu en as les couleurs.
Née en avril, je suis une enfant du printemps. J'en ai les élans.
Fils de l'automne et de l'océan.
Fille du printemps et des villes.
Pourquoi es-tu revenu ?
Il fallait rester dans ce délicieux oubli.
Me laisser te terrer dans ces songes qui n'étaient déjà plus des retenues.
Devrai-je te renvoyer dans l'irréel pour retrouver la paix ? Pour continuer mes voyages et mes solitudes…
Type de document : vers
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun