se tait

Elle ne parle pas et elle se tait.
Elle ne dit rien et elle se tait.
Elle ne dessine pas et elle se tait.
Elle ne touche pas à la pâte à modeler, à la terre glaise et aux autocollants multicolores.

Elle se tait.
Elle reste droite et immobile.

Elle doit faire très attention à ne pas bouger :
Rien ne doit bouger, rien de rien :
Rien du tout :
Ni le riquiqui, ni le rififi, ni le quincampoix :
Ni les boules de citron, ni les grandes décisions, ni les bifurcations :
Ni les cils, ni les sourcils, ni les doigts :
Ni les joues, ni les oreilles, ni les émois.

Même si ça gratte, même si ça siffle, même si ça chatouille, même si ça frissonne.
Rien ne doit bouger.

Elle ne doit rien voir et elle ne doit rien entendre.
Elle ne veut rien dire et elle ne veut rien se dire.
Elle veut uniquement sentir.

Le plus difficile, c’est la respiration.

Parce que, quand l’air sort et quand l’air entre par les narines, il fait onduler le duvet de sa peau.

ET :
Quand on regarde en très gros plan avec les yeux du dedans :

C’est aussi long et aussi fort qu’un champ de blé qui se plie et qui se replie sous le passage du vent du nord.

Pas un tremblement de terre, d’accord.
Pas un raz-de-marée, O.K.
Un champ de blé.
Mais c’est très grand, un champ de blé.
C’est très-très grand.

Elle pourrait retenir sa respiration, d’accord.
Mais alors :

Au bout d’un moment elle étoufferait,
Elle serait obligée de prendre un grand coup d’air,
Toute sa poitrine se soulèverait,
Sa bouche s’ouvrirait énorme.

Et là, ce serait la catastrophe :

Elle aurait perdu et il faudrait tout recommencer.

Non !
Il faut apprendre à respirer sans bouger avec autre chose que l’air :

Quelque chose qui traverserait le corps mais qui ne passerait pas par le nez.
Quelque chose qui ferait du mouvement sans rien bouger. Quelque chose de doux, de chaud, d’électrique. Quelque chose de bon.
Quelque chose qu’elle connaît mais qu’elle ne sait pas nommer.

(quand Loula va chez Françoise Boutboul)


Type de document : chants des petits griots

Auteur fictif : Anonyme

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

sortants

> changer les liens

violon-piqueur

Grande scène noire dans la cour du Palais-Royal au-dessus des plots de Buren. Répétition [ cacophonie ? ] : violon électrique dominant. Mal, j’ai mal. Et les gens assis, émerveillés, enchantés; "voler quelques notes de musique". Tout est bon à prendre tant qu’c’est gratuit. MAIS ARRÊTEZ CE VIOLON-PIQUEUR [ famille marteau-piqueur ] !

Les flics passent en VTT, déjà hier aux Halles j’avais vu une patrouille à rollers … l’eau sous les grilles, odeur de vacances, chlore des piscines d’hôtel.

Maintenant une contrebasse. mais qu’il est mauvais, leur ingénieur du son ! Faites-le exécuter tout de suite ! Qu’on réhabilite la peine de mort illico. Je veux ses oreilles sur un plateau ! Et celles des musiciens et celles du compositeur et celles du producteur !

Soudain, oui ! Je comprends : c’est du jazz ! Alternative ? Free? Contemporain ? Expérimental ? Mon Dieu tout-puissant ! Epargnez-moi le jazz ! Je sais qu’au paradis on a mangé le fruit interdit mais, tout d’même ! Depuis l’temps ! Faut pardonner ! Même la rancune a des limites. Par pitié ! Eliminez le jazz de la surface sonore terrestre…

OH NON!C’EST PAS VRAI !ils s’mettent à chanter maintenant!!! Pourquoi ?
Pourquoi ?
Pourquoi ?

C’est la fête de la musique ?
M’en direz tant…

… Ouf ! me suis échappée ! Avenue de l’Opéra, des sirènes, des klaxons, des gaz, des ZOTOS, pleins DOTOS mais pas de JAZZ.


Type de document : streetchroniques

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : 1

Textes satellites : aucun

.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.

.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.