J’ai grandi dans la ville. Je n’aimais pas la campagne. Je craignais son ennui, son silence. Comme si les arbres allaient m’éloigner des bibliothèques et de la vie.
Mais j’ai entendu tes vocables issus de la terre, Neruda élémentaire. Etrange mélange volcanique de pluie, d’océan, de désert et de glace et j’ai pleuré. J’ai commencé à languir de ces montagnes lointaines qui ne m’appartenaient pas. Je me suis réapproprié la langue de mes ancêtres andalous qui n’avaient pas eu le droit de naviguer.
Tu m’as appris que les mots silice, limon, mélèze, caïman, nitrate, anaconda, toucan, fer, tronc, souche, maïs, cuivre, soufre, céréales , jungle, feldspath, insectes étaient des poèmes et que les adjectifs équinoxial, forestier, minéral, métallique, souterrain, germinal, caudal, pédiculé étaient des intonations.
J’ai parcouru alors, de mes pieds nus, les sentiers andins, les versants ensablés, les lagunes vertes et les plaines fangeuses pour arriver sans détour là où le verbe jaillit et meurt.
A Pablo Neruda
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Finalement, tu as été mon choc.
Ni plus ni moins.
Un épisode qui m'a rappelé que les hommes sans voyage sont dépourvus de profondeur.
Une surface fuyante où mon regard glissait sans percer.
Des baisers sans saveur.
Des ébats vides et insensés.
Un pur mensonge pas même une illusion.
Fallait-il que tu viennes ?
Fallait-il que tu aspires à percer mon territoire irrationnel et singulier ? Fallait-il que tu feignes ?
Tu ne m'aimais pas.
Je ne t'aimais pas non plus.
Ainsi étais-tu toi aussi mon déni.
Mais au moins, tu n'étais pas mon infidélité...
Type de document : carnets personnels
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : CL
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun