Vous me proposez de ralentir le temps, de vous rejoindre à Kiméria, dans votre domaine de Toscane, et d’y vivre une vie entière à vos côtés, en un seul voyage, dans le simple cillement d’un intervalle de réalité.
Mais, cher Dottore, mon ami, que nous resterait-il à vivre ensuite, dans nos prochains séjours ? Faudrait-il atteindre la fin? De nous, de vous, de moi.
Je le sais, les journées s’égrèneraient alors comme les vagues de la Méditerranée, éternellement semblables et différentes, douces et épicées. Goût salé du plaisir tranquille.
Dites-moi où je trouverais - après - la force de revenir au Monde, à mon siècle, à ma vie, à ma fille, à ce combat que je mène pour défendre la liberté d’exister en toute conscience dans les 3 Espaces.
Ne finirais-je pas par céder à la tentation kimérienne et à migrer ? Devenant moi-même un rêve, un récit, brisant le temps cyclique (un jour, un autre, le même) que je crée lors de mes voyages, m’aliénant aux rythmes de cet ailleurs onirique - si volatiles, si curieux, véritables sirènes - et provoquant une longue absence, aussi longue que la vie elle-même. Ce serait une désertion.
Votre temps naturel s’articule en réseau. Vous utilisez des points de jonction pour vous déplacer entre les époques et les espaces. Vous n’êtes pas soumis aux mêmes risques que moi. Vous m’apprendrez, dites-vous. Mais je n’ai jamais entendu, dans aucune rumeur, que quiconque l’eût appris. Le temps réticulaire est une aptitude, pas une initiation.
Au Dottore Pi
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : 1
Chez Léonard. café - brasserie capt’N nemo ambiance.
Aux toilettes : chasses d’eau-leviers très phalliques ; poignées-manivelles.
Dans la salle :
Tables renaissance ; dessins techniques style Vinci ; lampes de bateau ; objet volant pré-historico-futuriste ; chaises jansénistes et fauteuils de cuir crevassé ; La Joconde à toutes les sauces : en obèse, en princesse turque, en remix/collage (c’est fou c’que j’lui ressemble ! même les poches sous les petits yeux et surtout le menton ; le 1er à l’avoir remarqué c’était mon voisin quand j’avais 6-7 ans) ; tiens ! Des rideaux rouille allure théâtre sauf qu’au théâtre ils sont vermeils ; tables hautes, tables basses ; abat-jour au chapeau très Bogart qui tombe sur le côté ; tv info sports ( pourquoi ? why ?)
Autres détails :
Café ok ; zique Saint Germain (divin) ; tb pour travailler et pour papoter, pour manger je sais pas j’ai pas essayé et de toutes les façons je suis pas une référence puisque je suis végétarienne.
Type de document : streetchroniques
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun