Je fais ce rêve chaque jour, au petit matin. Je me tiens au pied d'un escalier, cent huit marches creusées dans la roche d'une montagne. Au sommet de cette montagne, un temple. Je grimpe l’escalier, parfois lentement, parfois en courant ou en flottant. En haut, barrant le passage, un bassin rectangulaire invite les visiteurs à se purifier. J'entre dans le bassin où mes blessures trouvent un soulagement. J'en sors sèche, comme si la substance dans laquelle je m'étais baignée n'était pas de l'eau ni même un liquide. Je vois alors le Temple. Un bâtiment simple, carré, de bois, construit au flanc de la montagne. J'entre dans le Temple. Trois Buddhas trônent. Le premier est en cristal transparent, le deuxième en or mat, le troisième en lapis-lazuli. Je leur fais des offrandes. C’est alors que j'entends l'appel : "le Gardien attend. Il attend son successeur."
Tous les DJ's d'origine cimmérienne font ce rêve. Certains marchent dans un désert, d’autres voguent sur l'océan, galopent dans une prairie verdoyante ou errent entre des hiéroglyphes et multiples symboles. Le cadre varie pour chacun d'entre nous comme pour brouiller les pistes et empêcher une localisation. Mais nous entendons tous le même message.
De mémoire cimmérienne, rien de tel ne s'était jamais produit. Nous nous demandons s'il ne s'agit pas d'un ordre de rassemblement. Devons-nous quitter Erel et retourner dans Kiméria ?
J'ai sondé ma fille pour savoir si elle aussi faisait ce rêve. Elle refuse de me répondre. Mais il est vrai que j'ignore encore si elle est cimmérienne. Quoique… les conditions de sa conception et de sa gestation me laissent peu de doutes.
Au Dottore Pi
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Il ne vivait pas sur une péniche, il ne vivait pas dans une maison, il ne vivait pas sous les ponts. Il parlait à peine. Il souriait avec les yeux.
Il avait pour passion de regarder les gens comme d’autres veulent allumer les étoiles.
Non, ce n’était pas un enfant perdu, ce n’était pas un ange ni une hallucination.
C’était un p’tit gars comme les autres.
Sauf qu’il ne dormait pas. Jamais.
Sauf qu’il ne mangeait pas. Pourquoi ?
Le voyait-on seulement ? Je ne sais pas.
En tout cas, une nuit de juin, un peu avant l’été, sur le quai de Conti, il s’était arrêté pour regarder une petite fille en pyjama qui ronflait là.
C’était très joli.
Lui qui ne dormait jamais était en train de contempler son premier rêve.
Type de document : chants des griots
Auteur fictif : Griotte
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun