Le "breakfast" philosophe est ainsi nommé car il a pour vocation de rompre le long jeûne intellectuel que je me suis imposé en vue de découvrir les procédés cognitifs hors logos et hors visualisation [to break the fast]. Il me nourrit avec modération car, étant sujette aux indigestions, je refuse les excès de table. Je choisis mon breakfast philosophe du jour au gré de mes envies et de mes besoins. J’évite les lectures imposées et déguste mes thèmes préférés.
Type de document : carnets personnels
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
J'ai cherché mes carnets d'enfance, mes "journaux de bord" comme je disais alors... J'en avais une centaine, je crois...
"Le Carnettiste", m'appelait mon père, avec une pointe de fierté et avec une plus sérieuse part d'inquiétude.
J'avais envie de retrouver toutes ces petites histoires que je me racontais, ce Paris enchanté, cette amie profonde et pétillante (je fais parfois ce rêve étrange et pénétrant, d'une femme inconnue, que j'aime et qui m'aime, et qui n'est chaque fois ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre).
Dans mes aventures, j'étais Nils Holgersson, Neil Armstrong, Marco Polo, Phileas Fogg, Tom Sawyer, Richard Byrd, Saint Exupéry, le Capitaine Flamme, Capitaine Kirk et Peter Pan...
Oui, j'aurais aimé retrouver mes notes et croquis. J'aurais aimé me souvenir de tous ces calembours dont j'affublais chaque rue et monument. J'aurais aimé revoir ce visage que j'ai dessiné des dizaines, non, des centaines de fois, et que j'ai oublié.
... Mon premier amour était imaginaire... et tenace... très tenace...
Ne le sont-ils pas tous, d'ailleurs ?
D'une certaine manière, sans doute... Mais pas pour moi... Pour moi, ce n'était pas d'une certaine manière... Moi j'aimais vraiment, totalement, presque physiquement, cette hallucination, cette émanation de mon esprit malade.
... c'est étrange... aujourd'hui je ne me souviens même pas de son nom (était-elle brune, blonde ou rousse ?)...
Et pourquoi ai-je envie de retrouver ces carnets ?
Mes parents me disent les avoir donnés à l'Institut ... Je dois y aller dans un mois pour ma visite de contrôle mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée d'en parler et encore moins de les réclamer... Ils pourraient en conclure que je fais une "rechute" et décider de m'interner à nouveau.
Et puis, qu'est-ce que ça pourrait bien m'apporter ? J'ai une vie satisfaisante et pleine : mon métier, mes photos, ma femme, mon fils... Pourquoi remuer le passé ? Enfin, quand je dis le passé... l'imaginaire de mon passé...
Type de document : carnets personnels
Auteur fictif : Pierre
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : CL
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun