chanteclerc

Cette pomme a un air sauvage, baroque. Perle-pomme irrégulière. Quand on la croque son goût échappe. Le morceau de chair se dérobe. Consistant et fuyant. Pour mieux s'engouffrer et nous appartenir.

Faut-il la mâcher ? L'avaler ? La rejeter ? La sucer et la vider de son jus jusqu'à ce qu'elle ramolisse et se dissipe ? Tant de questions irrésolues se posent que je ne peux la terminer. Je la jette. Elle m'a rassasié.

Alors que, dans la même série (golden), les petites pommes insipides conditionnées sous cellophane par 1-1,5-2 kilogrammes - des vraies pommes de terre - ne provoquent aucune surprise, n'interrogent en rien les sens, simulent une mastication automatique, détachée, ininterrompue, un broyage que rien n'arrête. Et les pommes peuvent s'enfiler comme les kilomètres sous un train ou les billes d'un rosaire tibétain (mala).

Ma première Chanteclerc. Une espèce ressuscitée.


Type de document : streetchroniques

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

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un allongé

"Un allongé s’il vous plaît", plaisir intense d’une phrase anodine. Le L s’étend si loin et s’entend double. Tout le plaisir du café à venir. C’est tellement bon ! Rien que de commander son café, le sien, celui de l’arrêt, du temps pour soi, debout ou assis, dans une brasserie ou dans un salon, en trois minutes ou en deux heures, seule ou accompagnée, triste ou regonflée, "un allongé s'il vous plaît, un allongé".


Type de document : streetchroniques

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

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