Et c'est ainsi que le Jeu des Perles de Verre prit forme.
Des perles furent créées simultanément par plusieurs joueurs.
Chaque perle était phrase, chiffre, sphère, musique, sensation, énergie :
"Ici se joue le Jeu des Perles de Verre."
"Le Jeu des Perles de Verre est un infini."
"L'infini est un entrelacement de frontières."
"Joue, oui, joue."
"Tu es un Jeu des Perles de Verre."
"Contemple ta peau, tes membres, ton corps. Ressens. Tout te précède et tout te suit."
...
Et toutes les perles entrèrent en gravitation les unes avec les autres. Elles se regroupèrent. Leur place changeait sans cesse. Elles formèrent elles-mêmes une perle. Puis une autre perle. Et les perles s'agencèrent. Expansion.
Et le Jeu était traversé de frissons. De chemins. De Liaisons.
Et le Jeu créait des univers.
Type de document : carnets du jeu
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : 1
Textes satellites : aucun
Le 15 juillet 1976
Le lendemain du 14 juillet, jour de la fête nationale française, célébration de la prise de la Bastille, anniversaire de sa maman et aussi du mariage de ses parents :
Ludivine Coquine est sortie des Halles par la rue Montorgueil :
* elle ne voulait plus attraper le chien errant,
* elle n’avait plus assez de force pour rire,
* elle était beaucoup tombée, avait beaucoup rampé, son pyjama était tout déchiré, ses genoux étaient noirs et écorchés.
P’tit Gars l’a suivie mais quand elle a dit ‘j’ai envie de manger des fraises’, il a répondu ‘pas moi’ et il est parti.
Tout de suite :
* elle n’a pas eu de peine,
* elle n’a pas pensé "il aurait pu me dire au revoir",
* elle n’a pas réalisé qu’elle ne savait pas où le retrouver.
Mais c’était parce qu’elle regardait :
* les barquettes de fraises rouges et les brioches aux raisins,
* les fromages, surtout ceux à la chèvre, les frais ,
* les pains blancs et les pains de seigle.
Comme elle avait de plus en plus faim, elle s’est approché d’un stand, celui des fraises, et elle a voulu en prendre une. Le marchand s’est énervé très fort et elle a vu :
Tout de suite :
* qu’elle avait les mains sales
* qu’elle était pieds nus
* qu’elle portait seulement un pyjama déchiré.
Et elle a compris :
Tout de suite :
* qu’elle n’avait pas d’argent et qu’il fallait payer.
Et elle s’est souvenue :
Tout de suite :
* de son papa/maman
* de fanfan
* de tortue.
Mais, par contre :
A l’instant même :
Elle a oublié que P’tit Gars n’était pas là. Parce que :
* elle n’avait pas vraiment fait attention,
* elle n’imaginait pas qu’il la laisserait en plan.
Alors, elle s’est retournée :
* pour le chercher
* pour voir s’il était dans un état aussi affreux que le sien
* pour se moquer.
Elle a virevolté sur un pied comme elle aimait faire, elle a tout vu tourner- tournicoter-tournicoton-bal-et-cotillons.
Mais P’tit Gars n’était plus là ! Et ce fut à ce moment précis-là :
Qu’elle a commencé à avoir très peur et à pleurer.
Pas avant. Pas après.
A ce moment précis-là :
Voilà.
Type de document : chants des petits griots
Auteur fictif : Anonyme
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : 1
Textes satellites : aucun