quand je défaillis

Capitaine L
Quand je défaille et quand je doute, les graphes seuls m’apaisent. Etrange puissance des dictionnaires, des stylos et des ombres numériques. Quelle est cette vertu de l’écrit, Loula ? Toi qui frayes au-delà du lire et de l’alphabet, dis-le moi.

Loula
Je ne sais pas.
Je ne peux pas savoir.
Je suis un griot.
Je ne sais que le récit.

Capitaine L
Alors récite.

Loula
D’abord, il y a cet effilement, qui exige de ne jamais remettre. Ne pas croire un seul instant à l’instant suivant. Il faut suivre, partir, tout dire. Jamais garder. Obéir.

Capitaine L
Honnêteté.

Loula
Ensuite, il y a cette curiosité du sentir. Collectioner toutes les irruptions, toutes les effractions, entailles et sursauts.

Capitaine L
Rigueur de l’instinct.

Loula
Et puis, il faut les trouver. Lui, le mot, qui échapperait aux règles. Elle, la parole, qui ouvrirait le sens sans l’imposer.

Capitaine L
Toujours évoquer. Jamais montrer.

Loula
Je ne peux dire que ce que j’ai dit.


Type de document : minutes des mémoires absolues

Auteur fictif : Les Greffiers

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

sortants

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le violon du gitan

Avez-vous vu le violon du gitan ? Plus vieux que lui. Vivant. Scintillant dans son bois déverni, grandiose sous le port courbé, voûté, enroulé, de son dos. Le sosie d'Aznavour.

Il joue comme d'autres nouent leurs lacets. Dans la rame du métro. Forcément.

S'il vous plaît, ne le prenez pas en photo. Son image ne vous appartient pas. Seul son souvenir. Seul le présent de sa musique.


Type de document : streetchroniques

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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