quand je me réveille

Le matin, quand je me réveille, depuis que j'ai seize ans, je plonge trois fois de suite mon visage dans de l'eau très froide, recueillie dans les paumes de mes mains jointes [coupelle - grâal].

Et par ces trois immersions, je rejoins toutes les eaux de mes voyages terrestres : la lagune verte du sud chilien (région 10), la mer de Galilée, la cascatelle de la Vallée de la Longévité, les chutes claires de Californie, la douche au milieu des papyrus du bush australien au nord de la New South Wales, près de Byron Bay, là où j'ai été initiée au Jeu des Perles de Verre par la Terre elle-même. Gondwanaland. Terre des Rêves.

J'éprouve une reconnaissance intarissable pour ce continuum élémentaire qui confond toutes les eaux du monde en cet instant et qui scande le débit d'un nouveau round spatio-temporel : ma journée. L'unique. Celle où j'existe dans un corps, une histoire, un croisement. Aujourd'hui.


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : 1

Textes satellites : aucun

sortants

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mon pancho

Je prends mon pancho en laine brute - acheté à Chilœ, un jour de Llovizna, entre deux enlacements - il porte encore toujours à jamais l'odeur de la pluie fine et diluvienne, l'image du port où je me suis abritée, la sensation [première fois] de mon ventre qui explose sous la force du désir, le froid des barreaux du petit lit dans la chambre [nue] et le froid des carreaux de la douche commune de cette pension du bord de mer gardée par une veuve [joyeuse], la fumée du restaurant avec cette boule de discothèque où, à l'arrière-salle, je t'ai appelé pour qu'encore une fois tu me dises [pour rien] que tu m'aimes.

Et depuis quoi ? Deux semaines ? Je l'ai sorti de ma mémoire [le pancho] et je l'ai déposé sur mon lit [un futon à terre dont j'ai cassé l'armature de bois noir au marteau pour évacuer la colère conjugale résiduelle] sur le plaid jaune acquis en ces temps facheux d'un mariage faustien.
[total remix]
[déco rococo]
[superposition]
[cadavre exquis]
de ma mémoire !
de ma mémoire !


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

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