forêt australe

Ce jour-là, je voulais juste me promener mais on ne pénètre pas dans la forêt australe comme on le ferait dans nos bois paysagés.

On s'arrête.

On pense aux reptiles, aux arachnides, aux insectes et à leurs morsures létales.

Comment ne pas s'arrêter ? Je voulais m'assurer d'être accueillie et préservée.

Et la forêt m'a parlé. Elle m'a répondue. Elle m'a apaisée. Elle m'a guidée.

Je me sentais si démunie : je n'avais pas emporté mon armure d'encre et de papier, cet intermédiaire qui filtre mon vécu. Je ne pouvais pas figer l'expérience, l'arrêter, la vider de sa puissance, pour l'épingler, comme un papillon, dans le cadre de mes écrits. Je devais entendre dans ma peau, dans mes os, l'invitation de la Terre.

J'avais vingt ans.

Certains passent leur vingt ans dans la trépidation des boîtes à rythmes, d'autres cueillent des champignons bleus ou construisent quelques fondations bien solides, moi je suis simplement entrée dans cette forêt.

Je n'ai pas tout su du voyage. Pas immédiatement. Mais j'ai entrevu un possible.

Je dois te le dire : tu viens de là. De cette conversation originelle. De cette orée-là.

à sa fille


Type de document : correspondances

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : CL

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

sortants

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judaïsme et écriture

"Le judaïsme et l’écriture ne sont qu’une même attente, un même espoir, une même usure."

(a) "Le poète et le juif ne sont pas nés ici mais là-bas. Ils errent séparés de leur vraie naissance. Autochtones seulement de la parole et de l’écriture. De la loi." Monde issu du livre " parce que fils de la terre à venir." [Derrida] – (b)"Je suis née quelque part, laissez-moi ce repère ou je perds la mémoire" [Le Forestier].

1. Je suis née dans le livre, je n’ai la mémoire que du livre, je n’existe que par et dans le livre – je vis dans le livre – mes racines sont le livre, mon errance traverse le livre, ma terre est livre, je mourrai dans le livre comme vous savez qui vous savez où.

2. Le besoin d’écrire est la sève même du Vivant qui m’anime. Elle est mon souffle, mon inspir : sans elle j’étouffe. Elle est plus que sens ou raison de vivre, elle est la Vie qui me traverse. Hors d’elle, je suis extraite, bannie.

… Née trois fois dans le "texte". Au Mont Sion, au Mont Cimmer et dans une famille d'imprimeurs. Avais-je le choix ?

(remix Jabès)


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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