Les villes invisibles d’Italo Calvino proposent-elles vraiment une intrigue ?
Intrigue, itinéraire et solution, trois des quatre ingrédients qui forment un livre selon Calvino, y sont laissées au bon (ou au mauvais) vouloir du lecteur.
En fait, l’unique intrigue évidente dans les Villes invisibles, c’est la lecture elle-même : intrigue sémantique.
Une lecture-enquête qui renvoie le lecteur à (au moins) deux questions qu’il doit résoudre :
- puisqu’il est possible de lire Les Villes Invisibles de différentes façons (linéairement, par série, par dialogue, au hasard, etc.) comment lire le livre, selon quel itinéraire ?
- au-delà du cadre, quelle est l’intrigue du livre ? quel est son sens ?
Deux questions qui se rejoignent car le choix d’un itinéraire induit le choix d’un sens.
Lire Les villes invisibles de façon chronologique et linéaire, c’est suivre l’évolution de la relation de l’empereur et du marchand au fil du temps et des voyages ; lire au hasard, c’est chercher les points communs, les invariants, l’argument caché ; lire par série, c’est vouloir comprendre quelque chose non pas des villes mais des thèmes (mémoire, désir, signes, effilement), etc.
Le Récit Variable utilise également le procédé de l’intrigue sémantique. Est-ce nécessaire de le préciser …
Type de document : DJ's classes : récits variables
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : CL
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Capitaine L
Quand tu t’es dissoute, où es-tu allée ?
Loula
Dans le pays où toutes les phrases prononcées finissent leurs jours. Gelées.
Capitaine L
Je connais ce pays.
Loula
Je cherchais les mots d’amour de P’tit Gars. Ne les ai pas trouvés.
Capitaine L
Tout ne se dit pas.
Loula
Les miens en revanche, ils étaient là. Ils pendaient comme des stalactites. Des larmes effilées.
voix II
Silence
Loula
Et puis j’ai cherché les autres paroles, celles qu’il lui disait à elle. La diaphane.
Capitaine L
Bien sûr ...
Loula
Elles montaient. Réelles et fortes. Stalagmites. Je les ai caressées, effleurées. J’aurais pu si facilement les briser. "Ne les brise pas" je me disais comme un vent glacé, "ne les brise pas"
Capitaine L
Je croyais que tu ne savais pas lire ...
Loula
Une sentence de glace ne se lit pas. Elle n’est pas figée. Elle est en attente, elle est nue.
Capitaine L
Comme toi.
Loula
Serais-je moi aussi une phrase, une simple et pauvre petite phrase, prononcée et gelée ?
voix I
Silence
Capitaine L.
M’as-tu vue, moi, dans ces terres si froides ?
Loula
Sculpteure de l’écrit. Oui. Statue.
Type de document : minutes des mémoires absolues
Auteur fictif : Les Greffiers
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun