Loula : Capitaine.
Capitaine : comment m'as-tu trouvée ?
Loula : je ne t'ai pas trouvée, je suis là où j'étais.
Capitaine : à l'épicentre.
Loula : oui.
Capitaine : au point d'éruption, à l'impact.
Loula : tu l'avais enfoui si loin pourtant.
Capitaine : si bien.
Loula : il n'était plus qu'un mythe, une légende, une chimère.
Capitaine : n'est-ce pas.
Loula : il tintinnabulait entre les voyelles de ces vocables magiques...
Capitaine : Chiloe, Llovizna, Neruda, Santiago, Tveria, Ir Chalom, peut-être.
Loula : il n'existait plus.
Capitaine : était parmi mes disparus.
Loula : a ressuscité.
Capitaine : non.
Loula : non ?
Capitaine : il est image. Pixels sur un écran.
Loula : mot.
Capitaine : emails denses, innatendus.
Loula : et la joie ?
Capitaine : il n'y a pas de joie, il y a l'illusion.
Loula : la technologie.
Capitaine : une prothèse, un écart, une distance.
Loula : patience.
Capitaine : le plus terrible c'est que je ne le connais pas.
Loula : plus.
Capitaine : comme si je ne l'avais jamais connu.
Loula : il existe pourtant.
Capitaine : mais lui, celui qui existe là où je ne le rêve pas, qui est-il ?
Type de document : minutes des mémoires absolues
Auteur fictif : Les Greffiers
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
L’ensemble des textes d'un récit variable forme une base de données - un réservoir de textes - qui est agencée en de multiples niveaux de liens. Cette base de données peut être comparée à un espace qui possède une topographie, une architecture, une identité et des règles : un Topos (du grec topos : région, lieu).
Un Topos est semblable à une ville : il a ses quartiers, ses voies de circulation et de liaison. Comme une ville il peut grandir. Et, comme dans une ville, chacun y circule, y vit, y communique à sa façon.
Par exemple, connaître Paris, c’est connaître quelques endroits de Paris. Tous les Parisiens connaissent Paris mais aucun d’entre eux ne connaît le même. Pour un Topos, c’est la même chose. Tous les lecteurs d’un Topos le connaissent, mais aucun ne connaît le même.
Mais le Topos, ce n’est pas encore le récit.
Le récit naît quand un lecteur choisit des textes au sein du Topos et quand il les ordonne.
Ainsi, le récit est toujours variable. Il dépend :
- du choix des textes opéré par le lecteur ;
- de l’ordre des textes ;
- des supports d’édition et diffusion (électronique, papier d’imprimante, livre papier, affiche, son, etc.)
Le récit est donc toujours un récit potentiel parmi d’autres, une virtualité. C’est pourquoi c’est un récit variable.
Pour alléger le propos, consultez la version light de ce texte : un topos, c'est comme un frigidaire