Très très cher Monsieur Bachelard, que jamais je ne saurais appeler Gaston, en ma jeunesse vous avez nourri mon esprit, vous l’avez formé, et aujourd’hui, quinze ans plus tard, quand je relis vos textes, surprise de tant de connivences, je m’interroge devant le soulagement de mon être [satisfaction, satiété] :
J’ignore si vous articulez toutes les intuitions qui en moi tentent de s’exprimer ou si j’ai appris à appréhender le monde à travers le canal, le prisme, de votre pensée ;
Qu’il s’agisse :
* de la distinction entre l’homme pensif et le penseur [je suis une femme pensive, c’est certain, absolument pas une penseure] ;
* de la motivation éminemment chimérique du progrès et non de son utilité ;
* du refus du réalisme et du modèle représentatif ;
* de la méfiance envers le naturalisme à l’image référentielle trompeuse ;
* de cette vision architectonique de la science où le savant ne découvre jamais rien mais systématise toujours un peu mieux [ la science est un récit variable ] ;
* de votre éloge ininterrompu de la rêverie, ou plutôt des rêveries, que j’ai explorées des années durant dans mes retraites, ermitages et voyages ;
* de l’importance de remettre en question ce que l’on pense pour acquis, prouvé ou obvie et de la capacité d’autodérision qui conditionne une telle démarche ;
* de votre refus primordial de l’ontologie métrique [ "on ne connaît que ce qu’on mesure" - autre tentacule du monstre réaliste ] et de votre défense acharnée de "l’approximationalisme" [ le traitement impressionniste que le récit variable applique à un sujet - des petites touches éparses et évocatrices reliées par hypertexte – en est une application directe ] ;
* de votre dénonciation de l’illusion du commencement [ "le début n’est pas un commencement" ],
* de l’élaboration de la pensée qui ne se bâtit que contre ou malgré ;
* de votre défense d’une épistémologie de la pluralité, d’une solidarité inter-conceptuelle, de l’inter-rationalisme, du "cogitamus" et non du "cogito" ( jusque dans la relation parents-enfants), de l’importance de la controverse ;
* de votre fascination pour les vertus imaginatives et thérapeutiques des quatre éléments [air-terre-feu-eau] et de votre psychologie …
A Gaston Bachelard
Type de document : correspondances
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Je refuse de dire - parti pris et induction - que la forme prime sur le contenu car il n’existe ni forme ni contenu mais seulement un procédé de génération.
Avant l’acte d’écriture, avant l’énonciation, ma pensée est inaccessible et non pas inexistante.
Je suis à la recherche – odyssée – d’une plastique et d’une organisation de l’écrit avec lesquelles nos sens mutants, stimulés et rééduqués par les technologies numériques de l’information et de la communication [TNIC], puissent instaurer un lien [bonding].
Pas seulement les sens : tous les processus cognitifs.
Nous nous sommes habitués à une nouvelle interaction avec notre environnement : celle de l’ubiquité, de la vitesse et de la connexion dont le Zapping est la méthode.
Il est inutile de le nier, inutile d'essayer de l'arrêter : il est nécessaire de l'accompagner et de l'utiliser du mieux possible.
Type de document : DJ's classes : récits variables
Auteur fictif : Capitaine L
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun