vos mots

Quand j'écris, je ne veux pas de narration, de fiction, de récit. Mon propos est ailleurs. Radicalement. Essentiellement. Mon propos est l'anodin, la restitution, la captation, l'instantané.
Polaroïd du ressenti, du vécu.

Ecrire jusqu'à l'ivresse, jusqu'à en oublier la faim, le sommeil ou la solitude.

Ecrire jusqu'à me perdre dans cette voix qui me dicte chaque mot, ne voir que la plume, la main droite qui impulse le sillon toujours inespéré, la main gauche qui repose comme un chat sur la page du cahier et dont l'ombre seule me rappelle encore que le temps existe, n'entendre que le crissement du papier Moleskine, et redouter qu'un instant - à peine - qu'un instant plus tard, la phrase s'arrête, c'est certain, je ne peux pas écrire sans cesse toute la vie, toute l'éternité même si je peux écrire jusqu'à ma mort.

Vivre au présent dans la lettre, le mot, le syntagme.

Je suis mécontente. Vos mots se font languir. Je n'ai pas eu de vos nouvelles depuis très longtemps. Faudra-t-il que j'aille en Toscane venir chercher moi-même votre lettre ?

Au Dottore Pi


Type de document : correspondances

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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le grimoire

Il arriva qu’elle eut trente ans, ou plus, ou pas.
Et qu’elle suivit un pont étroit.
Marchant tout droit sur la passerelle.
Tenant serrée une menotte.
Et de retour sur la terre ferme,
elle reconnut une certaine porte.
Porte effacée, ensevelie.
Toute de broussailles et de poussière.

"Il faut l’ouvrir" entendit-elle.
"Il faut entrer, encore oser".

Elle s’arrêta au vestibule, les mains ballantes
- une projetée -
elle n’était plus sur la terre ferme
mais aux abords des ans filtrés.
Elle tenait là, comme verticale, comme étendue, comme calfeutrée.

Quand tout à coup,
la petite fille
qui tout ce temps avait couru,
dégringolé, encore grimpé,
quand tout à coup,
la petite fille
vint à surprendre cette longue extase.

Car tout en bas d’une haute pile,
de boîtes, de cubes et de trophées,
numéro sept, le vieux carnet,
numéro sept, avait trouvé.

"Maman, maman, regarde ! Un grimoire ! Un livre pour la mémoire ..."


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Griotte

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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