résidente du livre

Résidente du Livre,
Tu n'as jamais appris à lire.

Chaque pavé devient graphe sous tes pas.
Chaque lumière devient rime.
Chaque frôlement,
Crissement de plume contre le papier.

Le relief, tu le trouves dans ces interstices entre l'encre et la feuille.

Seul le récit ouvre les routes où tu chemines,
Seul le récit coule et t'anime.
Il est ton souffle et ton vivant.

Et tu contemples tes formes incrédules :
Elles t'appartiendraient à toi, ces veines saillantes ?
Ces courbes ? Ces angles ?

Non. Elles appartiennent à la scansion
De la gestuelle sacrée
Du mot qui devient chair
Pour que le miracle de l’écriture advienne.

Tu me croyais numérisée ? Complexe de Loula, disais-tu…

Mais tu n'es toi-même qu'un spectre.
Le spectre d'une femme récitée qui a abandonné son corps aux confrontations du bitume.

L'espace le plus abstrait est-il le mien ou le tien, Capitaine ?

Moi perdue entre les 1 et les 0 ou toi perdue entre le clavier et le stylo-plume.

Oui, préserve bien tes carnets. S'ils venaient à brûler, qui sait si tu ne t'envolerais pas en fumée vers cet autre réel où plus jamais une main ne carresse, ne griffe, ni ne grave le papier.


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Loula-Ludivine

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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le grimoire

Il arriva qu’elle eut trente ans, ou plus, ou pas.
Et qu’elle suivit un pont étroit.
Marchant tout droit sur la passerelle.
Tenant serrée une menotte.
Et de retour sur la terre ferme,
elle reconnut une certaine porte.
Porte effacée, ensevelie.
Toute de broussailles et de poussière.

"Il faut l’ouvrir" entendit-elle.
"Il faut entrer, encore oser".

Elle s’arrêta au vestibule, les mains ballantes
- une projetée -
elle n’était plus sur la terre ferme
mais aux abords des ans filtrés.
Elle tenait là, comme verticale, comme étendue, comme calfeutrée.

Quand tout à coup,
la petite fille
qui tout ce temps avait couru,
dégringolé, encore grimpé,
quand tout à coup,
la petite fille
vint à surprendre cette longue extase.

Car tout en bas d’une haute pile,
de boîtes, de cubes et de trophées,
numéro sept, le vieux carnet,
numéro sept, avait trouvé.

"Maman, maman, regarde ! Un grimoire ! Un livre pour la mémoire ..."


Type de document : chants des griots

Auteur fictif : Griotte

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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