quand je me réveille

Le matin, quand je me réveille, depuis que j'ai seize ans, je plonge trois fois de suite mon visage dans de l'eau très froide, recueillie dans les paumes de mes mains jointes [coupelle - grâal].

Et par ces trois immersions, je rejoins toutes les eaux de mes voyages terrestres : la lagune verte du sud chilien (région 10), la mer de Galilée, la cascatelle de la Vallée de la Longévité, les chutes claires de Californie, la douche au milieu des papyrus du bush australien au nord de la New South Wales, près de Byron Bay, là où j'ai été initiée au Jeu des Perles de Verre par la Terre elle-même. Gondwanaland. Terre des Rêves.

J'éprouve une reconnaissance intarissable pour ce continuum élémentaire qui confond toutes les eaux du monde en cet instant et qui scande le débit d'un nouveau round spatio-temporel : ma journée. L'unique. Celle où j'existe dans un corps, une histoire, un croisement. Aujourd'hui.


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : 1

Textes satellites : aucun

mes premiers bréviaires

Mes premiers bréviaires ont été les grammaires et syntaxes de la langue castillane, inlassablement je les compilais, incrédule devant le plaisir qu’elles me procuraient. Puis, je me suis passionnée pour les guides touristiques du chili, région par région, du désert nordique aux glaces australes que l’on nomme terre de feu sans doute parce que le sud ne peut pas être assimilé au froid, c’est impossible. Ces ouvrages ayant pour unique objectif de me rapprocher du premier poète qui m’eût émue à chair et à sang - à vif - allez savoir pourquoi. Sans doute parce qu’il était le chantre de l’élémentaire, de l’artichaut et de l’amour, de l’automobile et de l’incandescence, du travailleur et des îles noires. Il a construit son œuvre comme un bréviaire du vécu.


Type de document : carnets personnels

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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