"FAIS-moi la lecture"
ET elle aimait qu’il ne lui réponde pas : "APPRENDS à lire".
Non il lisait, sortait des livres incongrus du fond de ses poches [des volumes].
"JE N'AI PAS DE livres, je n'ai que des volumes".
Et il aimait qu’elle ne lui réponde pas : "les volumes viennent en série".
Il n’avait pas eu besoin d’expliquer : "un volume se palpe à l'aveuglette, tu le déchiffres
Avec ton flair.
Tes mains
Ta peau
Les yeux et leur petite vision ne viennent que confirmer ce que tu as déjà senti avec ton CORPS".
De toutes les façons, il ne l’expliquait jamais : ceux qui savaient n’avaient pas besoin qu’il le leur dise et les autres n’auraient pas compris.
Type de document : chants des griots
Auteur fictif : Le Troubadour
Auteur réel : Carole Lipsyc
Provenance du texte : Noyau liminaire
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun
Juin 2005. Esplanade du Trocadéro.
Deux musées. Un de chaque côté.
Sur la Tour Eiffel, est inscrit : Paris 2012, ville candidate.
L'Esplanade a été en travaux pendant des années.
L'ombre d'un grand lampadaire se dessine sur l'immeuble.
De l'autre côté du musée de l'homme, une phrase dit que tout homme crée sans le savoir, comme il respire, mais que seul l'artiste en a conscience. Ou quelque chose comme ça.
Quand j'étais gamin, je venais faire du roller ici, quasiment tous les mercredis. J'étais très fier à l'époque parce que j'étais un des rares à sauter les neuf marches en roller.
J'allais vite, vite, vite et hop ! Je sautais les neuf marches.
Et puis un jour, moi je devais avoir 13 ou 14 ans,
un des grands qui n'avait pas pris ses rollers m'a demandé s'ils pouvaient emprunter les miens.
Je les lui ai prêtés et puis il m'a filé ses pompes. J'ai essayé de les mettre mais comme il chaussait plus petit que moi, je lui ai dit : "elles ne me vont pas tes pompes."
Il les a récupérées, il les a mises dans les poches de son treillis, et puis il est parti. Avec ses chaussures et mes rollers.
Et je suis rentré chez moi pieds nus.
J'ai dû prendre le métro en chaussettes.
Je me souviens qu'il restait un peu de neige par endroits sur le trottoir entre le métro et chez moi. J'évitais les plaques de neige. Je me suis senti humilié, honteux, bafoué.
Type de document : carnets personnels
Auteur fictif : Pierre
Auteur réel : Rémy Romeder
Provenance du texte : Printemps de la Démocratie
Commentaires : aucun
Textes satellites : aucun