les allumeurs

La Terre n'est pas une planète quelconque !

On y compte cent onze rois (en n'oubliant pas, bien sûr, le Cœsre), sept mille géographes, neuf cent mille businessmen, sept millions et demi d'ivrognes, trois cent onze millions de vaniteux, c'est-à-dire environ deux milliards de grandes personnes.

Pour vous donner une idée des dimensions de la Terre je vous dirai qu'avant l'invention de l'électricité on y devait entretenir, sur l'ensemble des six continents, une véritable armée de quatre cent soixante-deux mille cinq cent onze allumeurs de réverbères.

Vu d'un peu loin ça faisait un effet splendide. Les mouvements de cette armée étaient réglés comme ceux d'un ballet d'opéra.

D'abord venait le tour des allumeurs de réverbères de Nouvelle-Zélande et d'Australie. Puis ceux-ci, ayant allumé leur lampions, s'en allaient dormir. Alors entraient à leur tour dans la danse les allumeurs de réverbères de Chine et de Sibérie. Puis eux aussi s'escamotaient dans les coulisses. Alors venait le tour des allumeurs de réverbères de Russie et des Indes. Puis de ceux d'Afrique et d'Europe. Puis de ceux d'Amérique du Sud. Puis de ceux d'Amérique du Nord. Puis à la fin, ceux de l'Atlantide. Et jamais ils ne se trompaient dans leur ordre d'entrée en scène. C'était grandiose.

Seuls, l'allumeur de l'unique réverbère du pôle Nord, et son confrère de l'unique réverbère du pôle Sud, menaient des vies d'oisiveté et de nonchalance : ils travaillaient deux fois par an.

remix St Exupéry


Type de document : chants des petits griots

Auteur fictif : Griotin

Auteur réel : Antoine de Saint-Exupéry

Provenance du texte : Liste de l'éducation nationale

Référence : Le Petit Prince

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

" Ecoute !

( Pierre ‘dit P’tit Gars’ fait un rêve : )

"Ecoute ! – Ecoute ! – C'est moi, c'est Loula qui frôle de ses paroles les crevasses sonores de tes souvenirs striés par les mornes aveux de la lune ; et voici, en robe de moire, notre magnétique attirance qui contemple à sa patience le filet stellaire de la nuit et Paris endormi."

"Chaque mot est un ondin qui voyage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers notre palais, et notre palais est bâti numérique, au fond de la ville, dans le réseau de bitume, de rimes et de briques.

"Ecoute ! – Ecoute ! – Mon appel bat la fièvre arythmique de la foule, et mon désir emporte de ses bras ignés les frêles sursauts insolents des sourires et regards interceptés aux arrêts du métro."

Son chant murmuré, elle me supplie de recevoir son anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Aède, et de revenir avec elle au palais pour être le roi de Paris.

Et je veux lui répondre que j’aime une mortelle mais j’ai peur que, blessée et poussière, elle ne pleure quelques cendres, pousse un éclat abyssal et s’évanouisse en ondées qui ruissèleront – électriques – le long de mes remords acérés.


Type de document : chroniques de Kiméria

Auteur fictif : Capitaine L

Auteur réel : Carole Lipsyc

Provenance du texte : Noyau liminaire

Référence : Ondine, Aloysus Bertrand

Commentaires : aucun

Textes satellites : aucun

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